J’ai deux réponses à faire
La première réponse s’adresse à Gabriel Attal, ministre, porte-parole du gouvernement,
qui le 1er octobre, venu sur le Triangle de Gonesse a déclaré à propos de notre recours juridique contre la gare en plein champ : « Ohhhh… c’est une question de forme, pas une question de fond ». Et il a ajouté que la gare se ferait, anticipant le jugement qui nous a déboutés il y a 2 jours, comme s’il le connaissait à l’avance.
Le pouvoir exécutif passant en force devant le pouvoir judiciaire ? Bravo la démocratie !
La protection de la biodiversité, pas une question de fond ?
Qui a fait les lois restrictives qui obligent nos avocats à se battre pour les seules espèces protégées, quand c’est l’ensemble des espèces qu’il faudrait défendre ? Quand un œdicnème criard gobe un moustique, il se moque bien de savoir si cet insecte est « classé » par les humains en biodiversité ordinaire. C’est donc toute la chaîne du VIVANT qu’il s’agit de protéger, face aux menaces du dérèglement climatique et des activités humaines, a fortiori les INUTILES.
Est-ce une question de forme que les gouvernements instrumentalisent la justice, pour bétonner tranquille, détruire tout ce Vivant ?
M. Attal, vous êtes chargé de rassurer les élus, vous leur dites « pas grave, on va améliorer à la marge ». On va mettre en place ce que la loi appelle des COM-PEN-SA-TIONS : on va échanger les hectares d’excellentes terres agricoles du Triangle de Gonesse qui ont 15 000 ans d’âge, 6 à 8 mètres de profondeur de sols… contre la même surface en hectares sur les champs d’épandage de la ville de Paris de la Plaine de Pierrelaye bourrés de métaux lourds… sur lesquels on veut faire pousser une hypothétique forêt… Dans 50 ans ?
Voilà comment vos lois règlent les questions de forme.
Vous louvoyez avec les décisions nécessaires, mais il faudra bien un jour regarder en face la question de fond : c’est l’espèce humaine elle-même qui est menacée, en faisant disparaître les meilleures terres, les espèces animales et végétales qui la nourrissent. Comptez-vous sur les m3 de béton, les rails du métro, les équipements des J0 2024, les billets de banque que rapportent toutes ces destructions… pour nous alimenter ?
N’est-ce pas une question de fond : la destruction tranquille de la survie de notre propre humanité ?
Je formule aussi une deuxième réponse adressée cette fois à Monsieur Pascal Doll
président de la communauté d’agglomération de Roissy Pays de France et à ses membres, à Madame Cavecchi, présidente du Département 95, autant d’élus qui sont POUR la bétonisation à l’unanimité, à droite comme à gauche. Je l’étends aussi à Valérie Pécresse, présidente de Région et de Grand Paris Aménagement qui a décidé le sacrifice de l’Aire de Vents du parc de la Courneuve, qui a fait raser les Jardins Ouvriers d’Aubervilliers.
Monsieur Doll vous avez publié cet été dans la presse un communiqué publicitaire, qui déclare « Nous restons les maîtres du destin de notre territoire ». Sous-entendu : mêlez-vous de ce qui vous regarde, vous les opposants. Comment pouvez-vous dire « nous restons les maîtres », alors que vous avez été en permanence à la solde des grands groupes, des lobbies du BTP, les Vinci, Bouygues, Eiffage ? Vous avez bradé notre territoire à des milliardaires, vous avez soutenu Europacity porté par Auchan évadé fiscal en Belgique et Wanda milliardaire chinois ; vous bradez le sommeil des habitants à la société américaine Fedex qui fait du fret aérien en vol de nuit et s’oppose à un couvre-feu à Roissy, au contraire de tous les grands aéroports européens, Orly compris… Voilà le destin des populations du Bassin de Roissy : un aéroport qui fonctionne 24h sur 24 et 7 jours sur 7, entraînant la perte de 28 mois de vie en bonne santé pour un million de riverains. Et qui rend complètement caduc la perspective d’un métro qui ne fonctionne qu’aux heures ouvrables !!
Quelle légitimité avez-vous pour parler du NOUS, au pluriel, alors que vous autres élus du Val-d’Oise, vous pratiquez l’exercice solitaire du pouvoir ? Le territoire de l’agglomération de Roissy-Pays de France s’est constitué au gré des alliances par accointances politiques, dans l’entre-soi. Jamais il n’a été porté attention aux habitants et à leurs besoins. Votre prédécesseur Patrick Renaud a déshabillé une intercommunalité rurale de Seine-et-Marne pour annexer les 17 communes les plus riches pour sauver sa majorité de droite. Vous étiez à l’époque maire d’Arnouville 14000 habitants et vous avez déposé 3 recours juridiques contre la création de cette énorme « machine ». Quelques années plus tard vous êtes à la tête de l’agglomération de Roissy pays de France… Vous avez succédé à Patrick Renaud resté 38 ans à diriger le territoire, cadre chez Servair qui représentait le lobby aérien et qui habitait Paris. Il a fait la promotion de l’aéroport de Roissy, d’Europacity et autres GPII et à aucun moment, il n’a défendu les intérêts des habitants. Il vous a désigné comme son successeur. Vous étiez le seul candidat : que vaut cette élection par cooptation ? Vous dirigez maintenant une agglomération de 350.000 habitants de bric et de broc, constituée de 8 territoires différents. Vous poursuivez la politique de Patrick Renaud. Vous prétendez que le projet pour fédérer les habitants, c’est le métro qui desservirait Roissy, un pôle en pleine crise du transport aérien, qui a perdu 20 000 emplois depuis 2008 et qui va en perdre d’autres quand les compagnies feront les comptes…
Parlons-en du DESTIN que vous nous réservez…
Vous nous voulez Consommateurs passifs de commerces, de loisirs et de culture avec Europacity, consommateurs de jeux avec les JO 2024, consommateurs de produits d’entrepôts logistiques, consommateurs de transports lointains…
Vous n’avez pas à décider de notre destin. C’est à NOUS de le prendre en main !
Nous ne voulons pas être consommateurs, nous voulons être producteurs de notre vie, nous voulons produire nous-mêmes notre alimentation, concevoir nos loisirs, produire notre culture…
Nous voulons travailler au pays, dans notre territoire, dans des emplois de proximité et non pas subir la galère des transports pour aller travailler ailleurs, dans les quartiers d’affaires de Paris et de la Défense, parce qu’il n’y a aucune diversité d’emplois dans nos territoires.
Parce que les activités de proximité disparaissent : l’hôpital de Villiers-le-Bel a fermé, les petits commerces de Gonesse aussi. Nos quartiers, nos cités ont vu disparaître le bureau de poste, la CAF, la MJC, la Mission Locale, le dispensaire, le cabinet médical…
Non merci pour vos déserts médicaux et de services, peuplés de réseaux de transports et d’entrepôts !
Et dans le NOUS que nous défendons, il n’y a pas seulement l’espèce humaine, mais l’ensemble du vivant de nos territoires :
Nous défendons les 70 millions de vers de terre du Triangle de Gonesse qui ne prennent pas le métro,
Nous défendons le chant de nos linottes mélodieuses, contre le vacarme de vos avions, de vos camions et de votre métro,
Nous défendons la douceur goûteuse des légumes de nos potagers contre la fadeur de l’agro-industrie,
Nous protégeons nos escargots qui détestent bronzer sur vos solariums…
Nous opposons la force de nos convictions contre la violence de vos pelleteuses et de vos tunneliers,
Nos forces de vie contre vos forces de mort.
Voilà notre NOUS, et pour sauver ce NOUS, Nous ne lâcherons RIEN !
Jacqueline LORTHIOIS
Marches des Terres
Pantin, 9 Octobre 2021