a / La vision développée dans le Grand Paris qui repose sur une confusion entre « taille » et « performance », entre « croissance » et « développement », semble singulièrement démodée au regard des valeurs du développement durable affichées dans le SDRIF. Et que ridiculise l’hégémonie réelle de la vraie capitale économique de l’Europe continentale, cinq fois plus petite : Francfort !
Dans le document de présentation du SDRIF intitulé « Vision régionale » (p. 52 et suiv.) nous approuvons les valeurs de l’écologie citées : proximité, solidarité, soutenabilité. Des finalités aux antipodes de la démarche Grand Paris qui considère que pour « jouer dans la cour des grands », la « ville-monde » a besoin d’accumuler les populations, les emplois, les activités supérieures et les richesses économiques et financières… Un point de vue repris dans le document «Défis/Projet », pourtant en contradiction avec la « Vision régionale » citée plus haut. Il y est indiqué (p. 36-37) un classement de l’IDF qui donne le tournis :
– 2ème métropole dans le monde pour l’accueil de sièges d’organisations internationales ;
– 1ère région européenne en termes de recherche et développement ;
– 1ère destination touristique mondiale, 3ème ville de congrès au monde…
Et plus loin (Volume Défis/Projet, p. 39)
– Paris avec plus de 50 millions de m2 de bureaux se place loin devant Londres et New York (33 et 34 millions de m2) !
¨ Faut-il poursuivre cette course au « toujours plus » de compétitivité, de concentration et d’accaparement de richesses, dans un modèle productiviste en décalage complet avec la nécessaire sobriété imposée par les défis écologiques ? Comment les objectifs d’urbanisation issus du Grand Paris peuvent-ils respecter le défi n°2 « anticiper les mutations environnementales » affirmé dans le SDRIF (Volume Défis/Projet, p. 30-31) ?
b/ Sur la densification
Les coupures vertes prévues en amont et en aval des Villes Nouvelles (afin justement de ne pas prolonger l’urbanisation en « doigts de gants ») dans le schéma de Delouvrier ont été largement dévorées :
– on veut urbaniser la plaine de Pierrelaye polluée par les champs d’épandage de la ville de Paris, créant un continuum entre la vallée de Montmorency et Cergy-Pontoise ;
– entre Marne-la-Vallée et Meaux, l’extension de Disneyland/Villages-Nature menace de créer un ruban urbanisé continu à l’Est, sacrifiant au passage deux magnifiques méandres de la Marne (Marne-et-Gondoire);
– Evry et Sénart forment désormais un quasi continuum, artificialisant des espaces naturels, alors qu’il s’agissait de deux entités distinctes séparées par la forêt ;
– la vallée de l’Orge accueille de nombreux logements, alors qu’il s’agit d’une des plus grandes « zones-dortoirs » d’Ile de France et qu’on devrait y privilégier les activités ;
– les 1 000 ha du Triangle de Gonesse au Sud de Roissy souffrent d’un mitage progressif (zone logistique des Tulipes) et 700 ha d’excellentes terres agricoles sont menacées par le complexe « EuropaCity » qui devrait générer des flux de visiteurs dans une zone à risques en limite de l’aéroport… sans compter un golf de 90 ha à Roissy, dans le périmètre d’un PRIF. Alors qu’il faudrait maintenir des espaces cultivés pour préserver la qualité de l’air dans la zone la plus polluée d’IDF après le Boulevard périphérique.
– au Nord, la plaine de France est menacée par un continuum allant de Goussainville à la frontière de l’Oise, au prétexte d’un « éco quartier » d’habitat sans emplois à Louvres, risquant de générer des dizaines de milliers de flux domicile-travail en début de ligne D du RER saturée ; sans compter une débauche de zones commerciales et de transport-logistique au Nord.
– la pérennité des plaines Montjean, de Montesson, d’Argenteuil n’est pas assurée (elles ne bénéficient pas d’un « front urbain ») ; l’équilibre économique de l’agriculture de plateau de Saclay est menacé avec la disparition de plus de 15% de ses terres agricoles ;
– un centre d’entraînement du PSG est prévu sur les terres du plateau des Alluets ;
-les berges de la Seine sacrifiées pour la plate-forme multimodale d’Achères ;
etc, etc.
¨ N’y a –t-il pas une contradiction entre la volonté affichée de préserver les terres agricoles ( qui sont passées désormais en dessous du seuil fatidique de 50% du territoire régional) et la relance de l’urbanisation qui risque de combler tous les espaces libres de la zone dense ? Transformant ce qu’on appelle « la pieuvre » (une tête centrale d’urbanisation dense prolongée par des tentacules qui s’allongent le long des vallées et des axes de communication) en méduse géante [1]… Que devient dans ces conditions l’objectif « facteur 4 » (réduction par 4 des émissions de gaz à effet de serre) à l’horizon 2050 (Volume Défis/Projet, p. 30-31) ?
¨ Les bois et les forêts de la région doivent être sanctuarisés. Leur participation à la lutte contre les GES, mais aussi leur rôle dans l’accueil du public impose une protection renforcée et une gestion adaptée à la conservation de la biodiversité faunistique et floristique. Les continuités écologiques reliant les surfaces cultivées et les forêts doivent être préservées et améliorées pour permettent les déplacements et la reproduction des animaux (cf cervidés) pénalisés par des infrastructures infranchissables.
c/ Sur un plan général
Constatons une concentration record sur l’IDF, cumulant sur 2% du territoire français :
20% de la population
21% des actifs
23% des emplois
29% du PIB
37% des cadres et des chefs d’entreprises
37% de la recherche publique et 40% des dépenses de recherche et de développement
45% des actifs des industries créatives,
84,5% des cadres des emplois de « conception-recherche », etc.
¨ Questions : la région-capitale a-t-elle besoin d’un supplément de “grandeur”?
A-t-elle besoin d’un “plus être” ou d’un “mieux-être” ? Faut-il accepter comme une fatalité qu’en 2030, d’après des projections régionales de l’INSEE [2], il n’y aurait plus que la population de la région capitale qui conserverait un âge moyen inférieur à 40 ans, grâce à sa fécondité, mais aussi à son profil migratoire particulier (accueil d’étudiants et de jeunes actifs, départ de familles avec enfants et de retraités). Tandis que dans un rayon de plus de 400 kms autour de Paris, huit régions connaîtraient un vieillissement notable de leur population : dès à présent la Champagne-Ardenne accuse un déclin démographique et la Lorraine est menacée de stagnation, bientôt rejointes par la Bourgogne et l’Auvergne en 2015, puis le Nord-Pas-de-Calais et la Normandie en 2020-2025, suivis par la Picardie.